L’enfant et la mort de son animal de compagnie
Ou que nous apprennent nos enfants lors de cette expérience de deuil à leurs côtés ?
Là n’est pas mon habitude mais j’ai à coeur de vous partager aujourd’hui une petite tranche de vie. Cette expérience que je vais vous conter parle des compétences de nos enfants à traverser la vie et de notre positionnement en tant que parent à leur côté.
Il y a tant à apprendre aux côtés de nos enfants !
Tout à commencé le jour des 6 ans du plus grand de mes garçons. Il a reçu comme cadeau d’anniversaire un poisson combattant. J’avais déjà eu deux poissons étant enfant et je savais que leur vie était courte et que leur perte m’avait fait traverser le processus de deuil en entier. J’arrivais donc avec un peu de recul vers ce cadeau. Mais la vie était ainsi, Poissou, de son joli nom était entré dans nos vies et agrémentait notre quotidien de ses jolies nageoires dans son aquarium. Mon mari en prenait soin, vérifiait que tout soit pour le mieux afin de garantir de bonnes conditions de vie à ce petit être vivant, nouvel ami de notre enfant. Au bout de deux semaines, il a commencé à moins bouger, à rechercher le fond de l’aquarium et à ne plus trop s’alimenter. En deux jours, son état était critique malgré nos bons soins. Nous en avons parlé à notre fils. Nous lui avons expliqué qu’il était malade. Mais à ce moment précis, avant que Poissou ait nagé pour la dernière fois, tout s’est emballé dans ma tête, comment faire pour améliorer la situation? Est-ce possible de le sauver ? Si oui, quand est-ce qu’on pourrait partir à l’animalerie (on était dimanche) sachant que le lendemain serait férié ? … Bref, la moulinette s’était enclenchée pour trouver des solutions. En définitive, aucune solution n’était possible dans notre timing. Nous allions devoir traverser cette expérience de deuil dans toute son intensité, pas moyen d’y échapper. Deux semaines de vie à nos côtés puis c’était la fin.
Les premiers mots ont été factuels : « mon chéri, Poissou est mort ». Puis sont venus l’étonnement, la vérification, la compréhension, la tristesse… les premiers pas des étapes du deuil, chacun de mes enfants à son rythme. Le plus jeune (3 ans 1/2) pensa que Poissou avait bu la tasse. La grande eut subitement mal à la gorge, puis vraiment de plus en plus mal et demanda à aller dans sa chambre. Les émotions arrivèrent en pagaille, chacun avec ce qu’il était et ce qu’il ressentait. Les câlins fusèrent, les mots de réconfort aussi. L’autorisation fût donnée aux émotions de s’exprimer : « tu peux pleurer ». Les larmes ruisselèrent. Le chagrin était entier. Ma grande alla dans sa chambre, elle ne voulait pas être là pour la suite des évènements. Nous la laissions libre. Mais elle souhaitait participer à sa manière : elle décida de jouer de l’ocarina depuis la fenêtre de notre chambre.
Il fallut passer à l’action, qu’allions-nous faire maintenant ? Prendre le temps de regarder Poissou, parler de lui et laisser notre garçon décider de la suite. Il choisit de l’enterrer dans le jardin. Ma grande finit par nous rejoindre quand même. Chacun apporta sa contribution, je proposais un endroit, son papa une petite croix en bois, sa grande soeur une plume et une belle pierre. Il fit le chemin entier : il voulut creuser lui-même le trou. Nous l’avons accompagné. Comme la terre était difficile à creuser, les enfants partirent jouer au trampoline. Ma grande dit : « tu sais, tu as le droit de pleurer. C’est normal d’être triste… » Nous nous retrouvions quelques minutes plus tard autour du trou. Nous prononcèrent quelques mots au sujet de Poissou, de sa vie avec nous. Mon grand voulait le déposer lui-même mais c’était finalement trop exigeant pour lui. Il demanda à son papa de le faire. Son papa s’exécuta, déposa délicatement Poissou. Ce fut le temps de reboucher le trou. Chacun mit une pelletée de terre, chacun voulut participer. On déposa la pierre, la croix et la plume. Ma grande câlina mon grand. Alors que nous étions repartis pour la suite de notre quotidien, mon garçon dit « au revoir Poissou, je t’aime Poissou ». Cette phrase ne me quitta pas dans les heures/jours qui suivirent. Les larmes coulèrent. Les câlins sans mots dire se firent à profusion. Avant de se coucher, ma grande alla chercher une de ses peluches poisson et l’offrit à son frère. Avant de dormir, les larmes se renouvellèrent encore.
Le lendemain, les larmes n'étaient plus mais il restait le regard dans le vague et les mots « Poissou me manque ». L’envie de partager cette perte à d’autres apparut. Il verbalisa à tous « Poissou est mort ». Ce soir-là, plus de larmes mais des mots sur Poissou et un partage sur le deuil, le temps des larmes et celui du souvenir.
Mon coeur se serre encore aujourd’hui lorsque je me remémore cette phrase « au revoir Poissou, je t’aime Poissou ». Mon garçon, du haut de ses 6 ans a fait le chemin de la vie en entier grâce à ce poisson. Il a traversé à nos côtés, avec plein d’amour, d’écoute et de compréhension cette perte, non sans importance à ses yeux. Mon coeur de maman est touché d’avoir vu mon fils traverser cela, d’avoir vu la profondeur de sa peine et aussi la force de nos liens dans ce chemin. J’ai aussi été touchée de la peine que ma fille retenait en elle pour laisser la place à son frère, touchée de ses câlins et de ses multiples attentions pour être à ses côtés et donner d’elle dans cette expérience. J’ai été émue de la puissance des mots qui libèrent les émotions et combien ils se propagent en se partageant.
Observer ses enfants traverser la perte d'un animal est très précieux. Chercher à ne pas projeter ses propres émotions sur eux mais découvrir leurs capacités insoupçonnées à vivre vraiment le moment présent est d'une richesse incroyable.
Lorsque nous devenons parents, nous savons qu’il faudra traverser bon nombre d’épreuves dans la vie et nous prions que celles-ci soient assez douces. Mais viscéralement, nous n’aimons pas quand ils souffrent, nous préférerions souffrir nous-même. Il est pourtant là le défi des parents : accompagner son enfant à traverser tout ce qui se présente devant lui, lui donner des ressources d’amour et de confiance, accueillir ses émotions et être pleinement à ses côtés.
Et tout cela nous le vivons, en tant que parent, avec qui nous sommes, avec les contraintes de notre existence propre, avec nos résistances. Je réalise toujours plus combien est précieuse la vie avec des enfants, comment grâce à eux nous pouvons continuer à tisser notre histoire de vie, à travailler nos propres blessures et à nous positionner toujours plus comme on le souhaite vraiment. Cette expérience m’aura appris encore bien des choses sur moi-même et sur mes enfants. Elle m’aura encore prouvé que l’« être » est souvent plus pertinent que le « faire » et qu’on peut tout traverser quand on se sait aimé.
"Je ne sais pas où va mon chemin, mais je marche mieux quand ma main serre la tienne." Alfred de Musset
En tant qu'éducatrice de jeunes enfants (EJE), je peux vous aider à traverser cette étape douloureuse avec votre enfant. Et si vous souhaitez être accompagné sur ce sujet en amont, nous pouvons nous entretenir lors d'une ou plusieurs rencontre(s) parentale(s).
Avec ou sans votre enfant, nous pourrons prendre le temps de laisser exprimer votre histoire familiale, laisser émerger ce qui se joue en vous et en lui, mettre des mots et trouver des outils concrets pour traverser cette période marquante.
En tant que professionnelle de la petite enfance (0 à 7 ans), je suis à même de vous accompagner sur votre chemin de parentalité. La perte d'un animal de compagnie n'est pas un évènement anodin, je suis une personne ressource sur ce sujet si vous en ressentez le besoin. Pour plus d'informations sur les accompagnements parentaux que je propose, cliquez sur le lien suivant :